Nous parlons souvent de féminisme, de féminité. Et souvent, nous pensons que c’est un sujet que seules les femmes peuvent s’approprier. Il existe une vraie pression de notre société sur chaque femme et son identité, mais qu’en est-il pour les hommes ?

J’ai proposé à de nombreux hommes de venir me donner leur interprétation de ce qu’on pourrait nommer leur « part de féminité » :

« Est-ce que tu es d’accord avec moi si je te dis que tout homme a un “côté féminin“ ? »

-Oui !
-Non !
-Cette question est débile.
-Plus ou moins, où veux-tu en venir ?
-Il n’y a qu’un genre, l’humain.


« Et qu’est-ce que ce serait, ta “part de féminité “ » ?
-Ah c’est compliqué, je suis féminin comme je suis.
-Dans mon attitude.
-Ma sensibilité.
-Je suis cycliste, je me rase les jambes.
-Je prends soin de moi.
-Moi je suis fan de Bowie, maquillage, pantalon pate d’eph, bijoux partout !
-Je réfléchis et te rappelle.
-Je ne suis pas sûr de l’assumer…
« Ok, je suis photographe, si on le mettait en image ? »

Voilà qui résume les échanges que j’ai pu avoir avec les quelques 40 personnes sollicitées.

L’exercice n’est pas évident. En parler avec des inconnus est assez compliqué, de nombreux hommes me disent oui sur le moment mais ne donnent pas suite. Beaucoup n’assument tout simplement pas ce terme pour définir une partie de leur identité. 
Il s’agit tout d’abord de définir sa propre représentation de la féminité, puis de sonder son identité, déterminer ce qui la rend singulière, unique. Et c’est en trouvant ce qu’est être une femme que la réflexion commence.
Certains choisiront une posture, d’autres un geste, des accessoires, un regard, des vêtements, certains rien, car après tout, n’ont-ils pas le droit de se trouver féminin comme ils sont ?  
Cette série est à mi-chemin entre la mise en scène et le documentaire, je pose une problématique et n’aiguille pas la personne, je ne lui montre pas le travail déjà effectué avant qu’il ne soit photographié. Je travaille sans styliste, le modèle choisit lui-même ses habits. Je ne juge pas, j’essaye de m’effacer au maximum afin de laisser la personne se poser les bonnes questions et y répondre naturellement, avec un regard, une posture et sa sensibilité. Je choisis l’image qui illustre le mieux son intention de départ, sur le moment et avec elle. Tout ce que je fais, c’est affiner le geste et tenter de rendre esthétique à l’image ce qu’un homme considère comme « sa part de féminité ».

Dès le départ, j’ai en tête une certaine douceur dans l’approche de ces portraits, je me décide pour un fond couleur chair, je fais une lumière douce. Je veux que ces deux paramètres s’appliquent à toutes les photos de la série, l’originalité de chaque image sera dans la personne photographiée. Je choisis de shooter en studio car c’est mon environnement, tout peut être maitrisé et les modèles sont plus à l’aise. Nous discutons longuement avant de commencer à shooter, il est nécessaire de préciser, d’aiguiser l’intention initiale de la personne afin de l’illustrer au mieux, sans pour autant tomber dans la caricature.

Chaque homme a interprété le thème de manière personnelle, et pourtant, la série dégage à mon sens une atmosphère de douceur et liberté qui les unit tous.